J'ai vu des ducs j'ai vu des princes Des barons des comtes des rois Des marquises à la taille mince Qui dansaient au son des hautbois Dans des châteaux pleins de lumière Où les fêtes resplendissaient Où l'on chantait "il pleut bergère" Dans le velours et dans la soie Mais dans sa chaumière Mais dans sa chaumière Je n'ai pas vu pauvre Martin Pauvre Martin pauvre misère Avec sa femme et ses gamins J'ai tremblé devant la colère Des va-nu-pieds des paysans Renversant l'ordre millénaire Dans la fureur et dans le sang J'ai vu la terreur apparaître Les châteaux partir en fumée Les délateurs régner en maîtres Dans une France sans pitié Mais dans sa chaumière Mais dans sa chaumière Je n'ai pas vu pauvre Martin Pauvre Martin pauvre misère Tremblant de froid mourant de faim J'ai frémi pour ces grandes dames Ces beaux seigneurs si émouvants Qui montraient tant de grandeur d'âme De noblesse de sentiments Avant que leurs têtes grimacent Au bout des piques acérées Agitées par la populace Des sans-culottes avinés Mais dans sa chaumière Mais dans sa chaumière Je n'ai pas vu pauvre Martin Pauvre Martin pauvre misère Creusant la terre de ses mains Deux siècles après quatre-vingt-neuf Il fallait oser l'inventer A la télé on fait du neuf En acquittant la royauté Deux siècles après quatre-vingt-neuf D'autres seigneurs veillent au grain Et toi qui vivais comme un buf Ce sont tes maîtres que l'on plaint A six pieds sous terre Ton bicentenaire Ils l'ont enterré bel et bien Pauvre Martin pauvre misère C'est toujours le peuple qu'on craint Pauvre Martin pauvre misère C'est toujours le peuple qu'on craint