Aurais-je imaginé que je me trouv'rais là Une mine de stylo plantée sur ma peau? Les yeux de mon bourreau qui ne me quittent pas Ma blancheur lui fait peur, je sais qu'il cherche ses mots Je suis une feuille blanche, je ne demandais rien Qu'à rester sur mon arbre et attendre la fin Moi j'aimais le vent se perdant dans mes feuilles Le murmure de la sève qui me donnait la vie Moi j'aimais la hauteur que j'avais sur les choses Je n'ai pas vu venir la lame qui m'a trahie Si au moins je servais de papier officiel Pour signer des traités et protéger les faibles Ou être dans les mains d'un poète oublié Qui me jett'rait ses vers comme on cherche un ami J'aurais pu être pressée sur le cœur d'une enfant Ecoutant dans mes lignes la voix de son amant Ou être le pliage d'un gamin de huit ans Et voler dans les airs sous les rires des enfants Ou être dans les pages d'un livre d'histoire Qui dit que le chemin est encore tellement long Mais voilà que je sens que la plume me frôle Et les lettres se forment comme l'encre tourbillonne J'n'ai jamais vu plus lourd que le poids de ces mots C'est la misère d'un homme que je sens sur mon dos Il dit «Je veux finir d'avecques ma vie Pardonne-moi mon amour mais je m'arrête ici Ce n'est pas de ta faute si je baisse les bras Mais j'ai perdu ma chance de gagner ici-bas» Et moi c'était mon rôle de porter tous ces mots Et les larmes d'une femme tomb'ront sur moi bientôt J'aurais pu être pressée sur le cœur d'une enfant Ecoutant dans mes lignes la voix de son amant Ou être le pliage d'un gamin de huit ans Et voler dans les airs sous les rires des enfants Mais je tourne la page d'une triste histoire Qui dit que le chemin n'était pas tellement long Pas tellement long Pas tellement long...