Dans le bistrot du port, On y parle d'amour, De pêche et de partance, D'espoirs et de retours Et l'on y fait bombance. "Bois un coup, matelot encore une lampée, Profite de ton temps, et tire ta bordée !" Mais la servante est rousse, Son jupon se retrousse Et son mollet est rond Et ses yeux sont fripons. Aimant la bagatelle, Chacun y vient pour elle, Pour chiper un baiser Sur sa nuque frisée, Au désir qu'elle émousse, Car la servante est rousse Dans le bistrot du port. Dans le bistrot du port, Il est entré, un jour ... Pour une heure, en escale. Au froid, les membres gourds Se réchauffent dans la salle. "Bois un coup, matelot encore une lampée, Profite de ton temps, et tire ta bordée !" Mais la servante est rousse, Son jupon se retrousse Et son mollet est rond Et ses yeux sont fripons. Son œil en roucoulade Est une régalade ... Ah ! S'il pouvait l'avoir Rien qu'à lui, pour ce soir. Et son désir s'émousse, Car la servante est rousse Dans le bistrot du port. Dans le bistrot du port, Parmi tous les copains, Il parle du voyage Qu'il va faire demain. Et c'est un beau mirage ! "Bois un coup, matelot encore une lampée, Profite de ton temps, et tire ta bordée !" Mais la servante est rousse, Son jupon se retrousse Et son mollet est rond Et ses yeux sont fripons. Elle sait dire "Je t'aime" Et demain, au jour blême, Tous, tirant à bâbord, Toutes voiles dehors, Il restera quand même, Parce qu'elle sut dire "Je t'aime" Dans le bistrot du port.